Phaneroptera laticerca, Barataud, 2021

Barataud, Julien, 2021, Caractérisation acoustique des différentes espèces du genre Phaneroptera Audinet-Serville, 1831 en Europe occidentale, et description d’une nouvelle espèce cryptique en France et en Espagne (Orthoptera, Tettigoniidae, Phaneropterinae), Zoosystema 43 (29), pp. 691-727 : 695-706

publication ID

https://doi.org/ 10.5252/zoosystema2021v43a29

publication LSID

urn:lsid:zoobank.org:pub:F57DC398-0EC6-446E-8F7F-4C59CB745369

DOI

https://doi.org/10.5281/zenodo.5705288

persistent identifier

https://treatment.plazi.org/id/943241B7-3E5C-4059-A702-0A53452608FA

taxon LSID

lsid:zoobank.org:act:943241B7-3E5C-4059-A702-0A53452608FA

treatment provided by

Felipe

scientific name

Phaneroptera laticerca
status

sp. nov.

Phaneroptera laticerca View in CoL n. sp.

( Figs 3-15 View FIG View FIG View FIG View FIG View FIG View FIG View FIG View FIG View FIG View FIG View FIG View FIG View FIG )

urn:lsid:zoobank.org:act:943241B7-3E5C-4059-A702-0A53452608FA

MATÉRIEL TYPE. — Holotype. France. ♂; Le Perthus (66), col de Panissars; 42°27’18”N, 2°51’27”E; alt. 326 m; 14.VIII.2019; J. Barataud leg.; MNHN-EO-ENSIF12090 . GoogleMaps

Paratypes. France. 1 ♀; Le Perthus (66), col de Panissars; 42°27’18”N, 2°51’27”E; alt. 326 m; 14.VIII.2019; J. Barataud leg.; MNHN-EO-ENSIF 12093 GoogleMaps 1 ♂; Le Perthus (66), col de Panissars; 42°27’18”N, 2°51’27”E; alt. 326 m; 14.VIII.2019; J. Barataud leg.; coll. JB GoogleMaps 1 ♂, 1 ♀; Le Perthus (66), col de Panissars; 42°27’18”N, 2°51’27”E; alt. 326 m; 11.IX.2019; J. Barataud leg.; coll. JB GoogleMaps 1 ♂, Cerbère (66), Casa cremada; 42°26’57”N, 3°8’54”E; alt. 225 m; 12.IX.2019; J. Barataud leg.; coll. JB GoogleMaps 1 ♂, 1 ♀; Latour-de-Carol (66), el Solà; 42°27’56”N, 1°53’42”E; alt. 1295 m; 18.X.2020; J. Barataud leg.; coll. DLP GoogleMaps 1 ♂, 3 ♀; idem; J. Barataud leg.; coll. JB GoogleMaps 1 ♂, 1 ♀; Enveitg (66), Tauja; 42°27’57”N, 1°53’59”E; alt. 1350 m; 19.X.2020; leg. J. Barataud; MNHN-EO-ENSIF12091, 12092 GoogleMaps 1 ♂, 1 ♀; Osséja (66), Les Closes; 42°24’28”N, 1°59’50”E; alt. 1320 m; 21.X.2020; J. Barataud leg.; coll. DLP GoogleMaps 1 ♂, 2 ♀; idem; coll. JB GoogleMaps 2 ♀; Latour-de-Carol (66); El Fenars; 42°28’22”N, 1°52’53”E; alt. 1330 m; 23.X.2020; J. Barataud leg.; coll. JB GoogleMaps 1 ♂; Minerve (34), Les Lacs; 43°22’5”N, 2°42’57”E; alt. 422 m; 9.VIII.2021; J. Barataud leg.; coll. JB GoogleMaps 1 ♀; Conqueyrac (30), Pic d’Aguzan; 43.925 96, 3.898665; alt. 197 m; 10.VIII.2021; J. Barataud leg.; coll. JB .

ENREGISTREMENTS AUDIO. — France. 1 ♂; Le Perthus (66), col de Panissars; 42°27’18”N, 2°51’27”E; alt. 326 m, 19.IX.2018; J. Barataud leg. GoogleMaps 2 ♂; Le Perthus (66), col de Panissars; 42°27’18”N, 2°51’27”E; alt. 326 m; 14.VIII.2019; J. Barataud leg. GoogleMaps 3 ♂; L’Albère (66), El roc de la vinya; 42°28’40”N, 2°52’35”E; alt. 439 m; 15.VIII.2019; J. Barataud leg. GoogleMaps 2♂; Le Perthus (66), col de Panissars; 42°27’18”N, 2°51’27”E; alt. 326 m; 11.IX.2019; J. Barataud leg. GoogleMaps 8 ♂; L’Albère (66), El roc de la vinya; 42°28’40”N, 2°52’35”E; alt. 439 m; 11.IX.2019; J. Barataud leg. GoogleMaps 3 ♂; Cerbère (66), Casa cremada; 42°26’57”N, 3°8’54”E; alt. 225 m; 12.IX.2019; J. Barataud leg. GoogleMaps 4 ♂; L’Albère (66), El roc de la vinya; 42°28’40”N, 2°52’35”E; alt. 439 m; individus juvéniles récoltés le 8.VII.2020 et enregistrés entre le 11.VIII.2020 et le 03.IX.2020; J. Barataud leg. GoogleMaps 5 ♂; Latour-de-Carol (66), el Solà; 42°27’56”N, 1°53’42”E; alt. 1295 m; 18.X.2020; J. Barataud leg. GoogleMaps 1 ♂; Osséja (66), Les Closes; 42°24’28”N, 1°59’50”E; alt. 1320 m; 21.X.2020; J. Barataud leg. GoogleMaps 1 ♂; Latour-de-Carol (66), El Fenars; 42°28’22”N, 1°52’53”E; alt. 1330 m; 23.X.2020; J. Barataud leg. GoogleMaps 3 ♂; Minerve (34), Les Lacs; 43°22’5”N, 2°42’57”E; alt. 422 m; 9.VIII.2021; J. Barataud leg. GoogleMaps 1 ♂; Aigues-Vives (34), Les Saules; 43°19’36”N, 2°49’48”E; alt. 126 m; 9.VIII.2021; J. Barataud leg. GoogleMaps 2 ♂; Conqueyrac (30), Pic d’Aguzan; 43°55’33”N, 3°53’55”E; alt. 197 m; 10.VIII.2021; J. Barataud leg. GoogleMaps 1♂; Gruissan (11), Chapelle des Auzils; 43°8’19”N, 3°5’34”E; alt. 140 m; 08.X.2021; J. Barataud leg. GoogleMaps .

Espagne. 2 ♂; Abla, El Encinar ( AL); 37°5’18”N, 2°45’1”O; alt. 1324 m; 28.X.2019; J. Barataud leg .

LOCALITÉ TYPE. — France, Le Perthus (Pyrénées-orientales); col de Panissars.

DISTRIBUTION. — France méridionale (des Pyrénées-orientales aux Bouches-du-Rhône), Espagne.

ÉTYMOLOGIE. — Le nom d’espèce fait référence à la forme élargie des cerques des mâles.

PROPOSITION D’ UN NOM VERNACULAIRE. — Le Phanéroptère à larges cerques.

DIAGNOSE

Mâle

La morphologie générale ( Fig. 3A View FIG ) est très proche de celle des espèces voisines et en partie sympatriques Phaneroptera falcata , et surtout P. nana et P. cf. sparsa . La distinction avec P. falcata est assez simple grâce à la plaque sous-génitale ( Fig. 3C View FIG ) de forme triangulaire, rétrécie à l’extrémité (élargie à l’extrémité en deux lobes divergents chez P. falcata ), aux sternites abdominaux ( Fig. 5C View FIG ) de coloration claire et uniforme (chez P. falcata , présence d’une bande médiane vert vif contrastant avec les côtés blanc-verdâtre clair – Fig. 5D View FIG ), et au paranotum légèrement plus haut que large (plus large que haut chez P. falcata ). La distinction avec P. nana et P. cf. sparsa est moins évidente et nécessite l’examen de plusieurs critères. Les cerques nettement élargis avant la pointe apicale constituent une caractéristique diagnostique importante ( Fig. 3C View FIG ). Ils diffèrent en effet de ceux de P. nana qui sont de diamètre à peu près constant, brusquement rétrécis en pointe apicale ( Fig. 3E View FIG ) et de ceux de P. cf. sparsa qui sont plus effilés et nettement rétrécis avant la pointe apicale ( Fig. 3G View FIG ). Les caractéristiques biométriques sont intermédiaires entre P. nana et P. cf. sparsa , en recouvrement partiel avec cette dernière espèce ( Fig. 6A View FIG et Annexe 2). Par rapport à P. nana , les tegmina sont un peu moins larges (entre 5,3 et 5,9 fois plus longs que larges) et les fémurs postérieurs un peu plus étroits (entre 9,4 et 10,7 fois plus longs que larges). Les autres mesures réalisées ne mettent pas en évidence de critères discriminants. Pour ceux avancés par Ragge (1956) entre P. nana et P. sparsa concernant la forme des lobes latéraux du pronotum et le rapport entre la longueur des tegmina et la longueur des fémurs postérieurs, P. laticerca n. sp. présente des valeurs intermédiaires, en recouvrement avec les deux autres espèces ( Fig. 6B View FIG ). Ces deux variables ne constituent donc pas des critères diagnostiques fiables, au moins dans les zones biogéographiques où la présence de P. laticerca n. sp. est possible. Les tegmina au repos ne dépassent pas les genoux postérieurs, ce qui constitue un critère intéressant par rapport à P. cf. sparsa chez qui les genoux postérieurs sont dépassés par les tegmina au repos. Il n’y a généralement que trois taches noires sur le dessus des tegmina ( Fig. 3B View FIG ) mais certains individus peuvent en avoir quatre, comme P. nana . La forme de la plaque sous-génitale, même si elle semble un peu plus large en moyenne que chez P. nana , ne semble pas constituer un critère pertinent entre les trois espèces. La râpe stridulatoire semble également très similaire chez les différentes espèces ( Fig. 3D, F et H View FIG ).

Femelle

Comme pour le mâle, la morphologie générale est très proche de celle des espèces voisines P. falcata , P. nana et P. cf. sparsa ( Fig. 5A View FIG ). La distinction avec P. falcata est assez simple grâce aux caractéristiques de l’oviscapte ( Fig. 5B View FIG ) qui présente une courbure régulière avec la base de la lamelle entre les valves inférieures et supérieures droite et non sinueuse, une dentelure assez forte sur le bord supérieur et une coloration verte à la base du bord inférieur (anguleux à la base, avec la base de la lamelle sinueuse, des dentelures fines sur le bord supérieur et une coloration brune sur le bord inférieur chez P. falcata ). Les autres critères détaillés chez le mâle (coloration des sternites abdominaux et forme du paranotum) sont valables également chez la femelle et constituent des critères faciles à apprécier sur le terrain.

La distinction avec P. nana et P. cf. sparsa est moins évidente et nécessite l’examen de plusieurs critères. Comme chez le mâle, les caractéristiques biométriques sont intermédiaires entre P. nana et P. cf. sparsa , permettant la séparation d’avec P. nana , grâce à la largeur moins importante des tegmina et des fémurs postérieurs ( Fig. 6A View FIG ).

Par rapport à P. cf. sparsa , il existe d’autres caractéristiques diagnostiques liées au nombre de denticules sur le bord supérieur de l’oviscapte (31 à 36 denticules contre 41 à 44 chez P. cf. sparsa ; Fig. 4 View FIG ) et aux tegmina ne dépassant pas les genoux postérieurs. On peut également noter de légères différences au niveau de l’épiprocte ( Fig. 5E View FIG ) de forme semi-circulaire, avec le bord postérieur assez largement arrondi (de forme subtriangulaire avec le bord postérieur plus étroitement arrondi chez P. cf. sparsa ; Fig. 5G View FIG ), et des cerques ( Fig. 5E View FIG ) qui se rétrécissent régulièrement depuis leur base jusqu’à leur extrémité, en restant relativement épais jusqu’à l’apex (se rétrécissant plus brusquement et restant plus fins sur leur moitié distale chez P. cf. sparsa ; Fig. 5G View FIG ). Les caractéristiques des cerques et de l’épiprocte sont par contre très similaires à P. nana ( Fig. 5F View FIG ).

DESCRIPTION MORPHOLOGIQUE

Mâle

Coloration générale. Vert-jaunâtre avec des fines taches brunrouille réparties sur l’ensemble du corps ( Fig. 3A View FIG ). Dessus de l’abdomen coloré de brun-rouille (sur la partie des tergites cachée sous les tegmina au repos). Sternites abdominaux et face interne des fémurs postérieurs dépourvus de ponctuation, uniformément de coloration blanc-verdâtre clair ( Fig. 5C View FIG ).

Tegmina. Entre 5,3 et 5,9 fois plus longs que larges ( Fig. 6A View FIG ). Bordure inférieure rehaussée de rouille orangée. Présence de trois (rarement quatre) petites taches noires de part et d’autres de l’appareil stridulatoire ( Fig. 3B View FIG ): sur le tegmen gauche, une tache à l’extrémité de la nervure cubitale 1, une tache à l’extrémité de la nervure cubitale 2 et parfois une tache à la base de la nervure cubitale 2; sur le tegmen droit, une tache à l’extrémité de la nervure cubitale 1.

Appareil stridulatoire. Râpe stridulatoire présentant une double courbure avec une partie rectiligne plus longue vers la base, comportant des dents allongées et nombreuses (plus de 50) ( Fig. 4D View FIG ). La partie externe, après la double courbure, avec des dents beaucoup plus petites, moins nombreuses (entre 20 et 30) et beaucoup plus rapprochées. Présence sur le tegmen droit d’un miroir bien marqué, de forme quadrangulaire, légèrement concave sur sa partie interne et se rétrécissant dans sa partie postérieure à partir de la zone médiane.

Ailes postérieures. Plus longues que les tegmina, en grande partie hyalines et avec la partie apicale renforcée, rugueuse et de coloration identique aux tegmina.

Pronotum. Sans carènes latérales marquées. Disque pourvu d’une rainure transverse oblique au tiers basal et d’une rainure médiane indistincte dans la métazone. Marge basale du disque arrondie. Lobes latéraux entre 1,1 et 1,3 fois plus hauts que longs ( Fig. 6B View FIG ).

Pattes. Pattes postérieures avec des fémurs entre 9,4 et 10,7 fois plus longs que larges ( Fig. 6A View FIG ), ne dépassant pas l’apex des tegmina. Présence d’épines sur la face interne des tibias postérieurs (au moins 35), médians (7-10) et antérieurs (3-5). Pattes antérieures munies d’une épine coxale bien développée.

Orifice tympanal. De forme ovale, environ deux fois plus long que large.

Epiprocte. De forme assez régulière, quadrangulaire, un peu plus long que large. Présence d’un léger sillon médian vers l’extrémité et de deux fossettes longitudinales peu marquées dans la partie basale.

Plaque sous-génitale. De forme triangulaire, rétrécie et nettement échancrée à l’extrémité ( Fig. 3C View FIG ). Échancrure de forme triangulaire.

Cerques. De diamètre irrégulier, amincis dans leur partie médiane, avant un élargissement distinct dans leur partie apicale ( Fig. 3C View FIG ); pointe apicale formant une griffe épaisse recourbée vers l’intérieur.

Femelle

Comme le mâle à l’exception des éléments suivants.

Tegmina. Dépourvus de taches noires, entièrement vert-jaunâtre finement ponctués de brun-rouille. Absence d’appareil stridulatoire différencié.

Épiprocte. De forme semi-circulaire, avec le bord postérieur assez largement arrondi ( Fig. 5E View FIG ).

Plaque sous-génitale. De forme triangulaire, avec un rétrécissement marqué au niveau du quart apical ( Fig. 5C View FIG ).

Cerques. Se rétrécissent régulièrement depuis leur base jusqu’à leur extrémité, en restant relativement épais jusqu’à l’apex ( Fig. 5E View FIG ).

Oviscapte. Avec une courbure régulière, et une coloration verte avec une marge brune sur le bord supérieur et le quart apical du bord inférieur. Dentelure assez forte sur le bord supérieur avec 31 à 36 denticules ( Fig. 4 View FIG ). Base de la lamelle entre les valves inférieures et supérieures droite et non sinueuse ( Fig.5B View FIG ).

BIOACOUSTIQUE

L’espèce semble avoir une activité strictement nocturne et les stridulations n’ont été entendues qu’une fois la nuit tombée. L’activité est maximale dans les trois premières heures de la nuit mais des chants ont été enregistrés en captivité jusqu’en fin de nuit.

Presque inaudible à l’oreille nue, la stridulation est en grande partie dans le domaine ultrasonore, avec une FME généralement comprise entre 22 et 26 kHz (minimum 19,8 et maximum 27,7 kHz; n= 603). La distance de détection avec un détecteur d’ultrasons D 1000x est assez faible, environ 20 m pour les types de chants les plus sonores et seulement quelques mètres pour les types de chants d’intensité plus faible (contre plus de 30 m pour le chant d’appel de P. nana dans des conditions similaires).

Le chant d’appel du mâle, particulièrement complexe, est composé de strophes hétérogènes dans lesquelles alternent différents types de phrases, syllabes et impacts isolés. Il peut être décomposé en trois types, ici numérotés de 1 à 3 en fonction de leur rôle présumé dans le comportement acoustique de l’espèce (voir discussion sur le comportement acoustique dans le genre Phaneroptera ):

– Le chant de type 1 ( Fig. 7 View FIG ) est composé de syllabes isolées comportant généralement 10 à 13 impacts (minimum 7; maximum 17; n= 254). La durée des syllabes est le plus souvent comprise entre 60 et 90 ms (minimum 44; maximum 169 ms; n=254) et les intervalles entre syllabes sont généralement de 700 à 1300 ms (minimum 261 ms; maximum à plus de 10 s; n = 254). L’intensité des impacts au sein de chaque syllabe augmente de manière progressive puis diminue plus brutalement.

– Le chant de type 2 ( Fig. 8 View FIG ) est composé de phrases complexes comprenant une syllabe principale avec généralement 6 à 8 impacts (minimum 4; maximum 15; n= 127). Cette syllabe est plus courte que les syllabes de type 1, avec une durée moyenne de 20 à 30 ms (minimum 15; maximum 85; n =127). Elle est suivie par 2 à 6 syllabes secondaires (le plus souvent 4), d’intensité nettement plus faible et comptant généralement 4 à 7 impacts (minimum 3; maximum 9; n= 127).

– Le chant de type 3 ( Fig. 9 View FIG ), d’intensité nettement plus faible que les précédents, est composé de séries d’impacts isolés, émis avec un rythme rapide et assez régulier, et se terminant par une accélération finale légèrement plus forte en intensité. Les intervalles entre impacts sont en moyenne de 100 ms (minimum 31; maximum 379 ms; n =205). Sur quelques séquences, les impacts étaient le plus souvent groupés par deux ( Fig. 10 View FIG ).

L’analyse des nombreux enregistrements réalisés sur plus de 40 individus différents (voir détail en Annexe 1) permet de dégager une séquence type ( Fig. 12A View FIG ) qui revient le plus souvent (mais non de manière systématique). Cette séquence type commence généralement par le chant de type 1 qui est celui que l’on entend le plus souvent sur le terrain, souvent émis de manière régulière sur des durées assez longues (de quelques dizaines de secondes à plusieurs minutes; Fig. 12D View FIG et E). À la suite de cette première phase de chant, quelques phrases de type 2 sont souvent émises de manière ponctuelle et rapidement suivies de séries d’impacts de type 3 pendant une durée plus ou moins longue, de quelques secondes ( Fig. 12B View FIG et C) à plusieurs dizaines de secondes ( Fig. 12G View FIG ). Au cours de cette deuxième phase du chant, des phrases de type 2 sont souvent insérées ponctuellement au milieu des séries d’impacts de type 3. La séquence de chant se termine enfin par une troisième phase, similaire à la première et composée d’une série de syllabes de type 1 pouvant à nouveau durer jusqu’à plusieurs minutes. Cette séquence type correspond à ce que l’on entend le plus souvent mais les enchaînements peuvent parfois être différents, par exemple avec l’insertion de courtes séries d’impacts de type 3 entre les syllabes de type 1 ( Fig. 12F View FIG ) ou la présence de quelques phrases de type 2 intercalées entre des syllabes de type 1. Sur certains enregistrements, des mâles très proches l’un de l’autre ont produit des séries d’impacts de type 3 sur des durées de plusieurs minutes, avec des rythmes parfois assez irréguliers ( Fig. 12G View FIG ).

Comme chez la plupart des espèces d’ensifères, la température ambiante influence le rythme du chant et donc la durée des différents éléments constituant la stridulation, ainsi que sur celle des intervalles entre chacun de ces éléments. À titre d’exemple pour illustrer cette variabilité liée à la température, la durée moyenne des syllabes de type 1 est de 60 ms pour des températures comprises entre 21 et 24° C, alors qu’elle est de 130 ms pour des températures particulièrement basses, comprises entre 6 et 7° C.

Il n’a par contre pu être établi aucun autre lien entre la température ambiante et les autres paramètres mesurés (nombre d’impacts par syllabes, fréquence des différents types acoustiques, FME…).

CHANT DE RÉPONSE DES FEMELLES ET STRATÉGIE D’ APPARIEMENT

Sur le terrain, aucun chant de réponse des femelles aux stimulations acoustiques des mâles n’a pu être enregistré, alors que ce comportement est facilement observable chez P. nana ( Tauber & Pener 2000; Heller et al. 2015; obs. pers.). En captivité, les premiers essais menés avec des femelles capturées sur le terrain au stade adulte, n’ont pas non plus permis d’enregistrer de chant de réponse.

À la suite de l’étude de Heller et al. (2021), montrant qu’il est plus facile d’enregistrer des chants de réponse sur des femelles non fécondées, une femelle a été capturée au stade juvénile durant l’été 2021 et élevée en captivité à l’écart des autres individus. Des chants de réponse ont alors facilement été obtenus en plaçant cet individu à proximité d’un mâle chanteur situé dans une autre cage.

Ce chant est constitué d’un impact unique ( Fig.11 View FIG ), avec une FME généralement comprise entre 20 et 23 kHz (minimum 18,6; maximum 23,8 kHz; n = 20), et donc dans une gamme de fréquence proche de celle du mâle mais en moyenne un peu plus basse. Cette réponse est systématiquement émise à la fin d’une séquence de type 3, au moment où le mâle réduit les intervalles entre chaque impact ( Fig. 12H View FIG ).

Des observations en captivité réalisées à plusieurs reprises avec cette même femelle ont permis d’apporter des éléments de compréhension de la stratégie de localisation des partenaires et de formation des couples chez cette espèce. Lorsque la femelle est placée à une distance du mâle supérieure à 5 m, celui-ci chante classiquement avec des séquences typiques ( Fig. 12A View FIG ); la femelle se rapproche progressivement, en commençant à émettre un chant de réponse lorsque le mâle produit des séries d’impact de type 3. Lorsque la femelle est suffisamment proche pour que le mâle puisse entendre son chant de réponse (environ 5 m), celui-ci semble changer son comportement acoustique en ne produisant presque plus de syllabes de type 1 et en alternant de manière quasi exclusive quelques phrases de type 2 et plusieurs séries d’impacts de type 3 ( Fig. 12H View FIG ). Lorsque la femelle perçoit ce changement de comportement, elle arrête de se déplacer et c’est le mâle qui commence alors à se rapprocher de la femelle. Durant cette phase d’approche, il change de position à chaque série d’impacts de type 3 en inclinant le corps à 45° dans un sens puis dans l’autre, vraisemblablement pour mieux apprécier la direction du chant de réponse de la femelle entre chaque déplacement.

Une autre particularité mise en évidence lors de ces expériences en captivité est l’existence d’un quatrième type de chant ( Fig. 13 View FIG ), émis de manière très ponctuelle et uniquement enregistré lorsqu’une femelle réceptive est présente à proximité. Ce chant est composé de phrases d’intensité plus faible que les autres types acoustiques et comprenant généralement 3 syllabes (minimum 2; maximum 4). Chaque syllabe est très courte (entre 9 et 16 ms; n = 26) et constituée d’une vingtaine d’impacts (entre 17 et 25; n = 26), très rapprochés et difficilement individualisables, aussi bien à l’oreille en expansion de temps que sur oscillogramme. Le rythme avec lequel sont émis les impacts est particulièrement rapide (entre 1000 et 2000 impacts par seconde alors que le chant de type 1 compte 70 à 350 impacts par seconde). Ce type de chant présente également la particularité de contenir des composants fréquentiels multiples évoquant une succession d’harmoniques (mais dont le positionnement fréquentiel ne correspond pas toujours précisément aux multiples d’une fondamentale). La FME du composant le plus intense est toujours beaucoup plus haute que sur les autres types de chant, généralement entre 39 et 43 kHz (minimum 37,7; maximum 46,9 kHz; n = 26); les autres composants, d’intensité plus faible (mais parfois presque équivalente) affichent des FME entre 15 et 35 kHz.

Ce chant haute fréquence est émis de manière irrégulière, le plus souvent inséré ponctuellement entre des phrases de type 2. Les observations visuelles semblent montrer que les élytres sont un peu plus surélevées lors de l’émission de ce chant, dans une position légèrement différente que pour les autres types acoustiques.

RÉPARTITION ET ÉCOLOGIE

Parmi la dizaine de sites prospectés en 2019 sur le massif des Albères, l’espèce a été contactée sur quatre stations situées sur les communes du Perthus ( Fig. 14A View FIG ), de Cerbère ( Fig. 14B View FIG ) et de l’Albère (FR-66). Elle a également été notée en Espagne, près de la frontière française sur le versant sud du col de Panissars (La Junquera, province de Girona). Les caractéristiques communes à ces stations sont une influence xéro-thermophile très marquée (versants rocailleux exposés sud), une altitude pas trop élevée (entre 180 et 460 m d’altitude) et une végétation de boisements clairs de chênes lièges ( Quercus suber L.) avec un sous-étage arbustif important principalement composé de bruyères ( Erica arborea L., E. scoparia L.), cistes ( Cistus monspeliensis L., C. albidus L., C. salviifolius L.), ainsi que d’ajoncs et genêts ( Ulex parviflorus Pourr. , Genista scorpius (L.) DC.). Sur le site de Cerbère, l’espèce a également été trouvée sur des terrasses rocheuses colonisées par des oliviers ( Olea europea L.), des chênes verts ( Quercus ilex L.), des nerpruns alaternes ( Rhamnus alaternus L.) et des filaires à feuilles étroites ( Phillyrea angustifolia L.). La végétation herbacée est généralement peu abondante et principalement constituée de pelouses lâches à brachypode rameux ( Brachypodium retusum (Pers.) P.Beauv. ) avec quelques touffes de plantes plus imposantes comme le fenouil commun ( Foeniculum vulgare Mill. ) ou l’inule visqueuse ( Dittrichia viscosa (L.) Greuter). Plusieurs individus ont été observés de nuit se nourrissant de fleurs, notamment de Foeniculum vulgare , Dittrichia viscosa , Daucus carota (L.) et Daphne gnidium (L.).

Les cortèges orthoptériques relevés sur ces quatre stations sont très diversifiés, notamment en ensifères avec 25 espèces de sauterelles et grillons inventoriées lors des différents passages (voir détail des espèces en Annexe 3).

Les autres sites prospectés négativement ailleurs dans les Albères sur les communes de Maureillas-las-Illas, l’Albère et Laroque-des-Albères (66) étaient constitués de versants moins bien exposés avec des conditions moins thermophiles.

L’espèce est généralement assez abondante sur les stations où elle est présente, et sa phénologie dans les Albères semble légèrement plus précoce que celle de P.nana puisque les densités sur les mêmes sites étaient plus importantes en 2019 lors du passage mi-août que lors du passage mi-septembre (contrairement à P. nana ). Sur la plupart des stations, l’espèce était présente en syntopie avec P. nana , cette dernière étant généralement peu abondante sur ces stations xéro-thermophiles alors qu’elle est très présente dans les fonds de vallon et sur les versants moins exposés du massif.

Lors d’un séjour dans le sud de l’Espagne fin octobre 2019, des enregistrements se rapportant à Phaneroptera laticerca n. sp. ( Fig. 12C View FIG ) ont été réalisés sur les contreforts de la Sierra Nevada (Abla, province d’Almeria) à une altitude de 1320 m dans des boisements clairs de Chêne vert sur substrat siliceux, avec une physionomie de végétation assez proche de celle des Albères. Les deux individus enregistrés stridulaient depuis la canopée de grands chênes verts et aucun individu n’a pu être capturé pour vérifier les critères morphologiques. Mais les critères acoustiques étant diagnostiques pour distinguer l’espèce de P. nana et P. cf. sparsa (cf. infra, clé de détermination acoustique), la répartition de ce nouveau taxon est donc sans doute assez large à l’échelle de la péninsule ibérique.

Les autres stations prospectées ce même jour à des altitudes plus basses sur les contreforts de la Sierra Nevada n’ont pas permis de repérer l’espèce. Plusieurs stations plus proches du littoral ont également été inventoriées dans la dernière semaine d’octobre 2019 et seul P. cf. sparsa a été trouvé sur les sites du Parque natural de Cabo de Gata, Nijar (province d’Almeria), Mula (province de Murcia) et Torredembarra (province de Tarragona).

Entre le 18 et le 24 octobre 2020, P. laticerca n. sp. a été découverte grâce à des prospections acoustiques ciblées en Cerdagne, sur les communes de Latour-de-Carol, Enveitg et Osséja (FR-66). Ces localités sont constituées de pentes rocheuses thermophiles, exposées sud, à une altitude comprise entre 1280 et 1360 m ( Fig. 14C View FIG ). Les mâles chanteurs ont été observés sur la strate arbustive principalement composée d’amélanchier ( Amelanchier ovalis Medik. ), d’églantier ( Rosa canina L.), de prunellier ( Prunus spinosa L.) et de genêt scorpion ( Genista scorpius ). Ces stations sont situées beaucoup plus haut en altitude que dans les Albères mais le contexte bioclimatique particulier de la Cerdagne (vallée orientée vers l’Espagne, ensoleillement exceptionnel et faibles précipitations) permet à de nombreuses espèces d’atteindre ici des altitudes record. Les peuplements orthoptériques inventoriés sur ces sites (voir détail des relevés en Annexe 3) font ainsi apparaître plusieurs espèces caractéristiques d’une influence méditerranéenne comme Acrotylus fischeri Azam, 1901 ou Omocestus raymondi raymondi (Yersin, 1863) .

Sur les stations cerdanes, plusieurs individus de P. laticerca n. sp. ont été trouvés de nuit se nourrissant de fleurs de Séneçon du Cap ( Senecio inaequidens DC. ), principale ressource floricole dans ces habitats à cette période tardive. Aucune autre espèce du genre Phaneroptera n’a pu être observée lors de ces soirées de prospection en Cerdagne. Ces données confirment une amplitude écologique importante pour cette espèce et montrent également que la période d’activité peut s’avérer plus tardive en altitude et que l’espèce reste active par des températures très basses, avec des mâles chanteurs enregistrés par des températures nocturnes de 6° C.

Durant l’été et l’automne 2021, de nouvelles prospections nocturnes ciblées avec un détecteur d’ultrasons ont permis de découvrir l’espèce sur quatre nouvelles localités dans les départements de l’Aude (Gruissan), de l’Hérault (Aigues-Vives et Minerve, Fig. 14D View FIG ) et du Gard (Conqueyrac). Ces stations sont constituées de garrigues rocheuses thermophiles bien exposées, avec une strate arbustive assez dense composée selon les sites de chêne kermès ( Quercus coccifera L.), de cistes ( Cistus monspeliensis , C. albidus ), de genêt scorpion ( Genista scorpius ), de romarin ( Rosmarinus officinalis L.) ou de buis ( Buxus sempervirens L.). Ces garrigues plus ou moins fermées comprennent souvent une strate arborée lâche principalement composée de pin d’Alep ( Pinus halepensis Mill. ) et de chêne vert ( Quercus ilex ).

Ces nouvelles données dans plusieurs départements languedociens sont complétées par des enregistrements se rapportant à P. laticerca n. sp., identifiés par Yves Bas dans la banque de données sonore issue du programme Vigie-chiro du MNHN, rajoutant ainsi cinq nouvelles localités dans les départements de l’Hérault (Gigean, Montbazin, Saint-Gély du Fesc, Grabels) et de l’Aude (Portel-des-Corbières).

L’examen de la collection personnelle de Didier Morin a également permis d’identifier neuf specimens se rapportant à P. laticerca n. sp.: sept en provenance de différentes provinces d’Espagne (Barcelona, Huesca, Zaragoza, Cuenca, Jaen, Madrid et Ourense) et deux de France dans les départements de l’Hérault (Castries) et des Bouches-du-Rhône (Marseille). Cette dernière donnée qui correspond à un individu capturé en 1986 sur le massif de l’Étoile constitue pour l’instant la seule mention de l’espèce à l’Est du Rhône.

Des observations récentes accompagnées de photographies m’ont également été rapportées en provenance de Jujols (FR- 66; D. Sannier, V. Derreumeaux, J. Brichard) et de la province espagnole de Murcia (M. Pélissié).

L’ensemble de ces données (également détaillées en Annexe 4) permet de dresser un premier état des lieux de la répartition géographique connue de l’espèce ( Fig. 15 View FIG ), qui couvre vraisemblablement une grande partie de la péninsule ibérique et de la France méditerranéenne.

Par ailleurs, D. Llucià-Pomares a identifié dans sa collection personnelle plusieurs individus en provenance d’Espagne se rapportant à cette espèce, dont les données biométriques ont été intégrées à cette étude et dont les localités précises feront l’objet d’une publication ultérieure (Llucià-Pomares, com.pers.).

AL

Université d'Alger

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